mardi 19 août 2008

Bamako et le défi du développement durable

En arrivant à Bamako, je m’attendais à trouver une ville qui a du mal à faire face aux défis de la pollution, et du développement durable, à l’image de toutes les grandes villes, et en particulier celles des pays en voie de développement. Sur place la réalité des choses résiste à tout élan optimiste, et on comprend rapidement, que l'environnement ne fait pas encore vraiment partie des priorités.

Un croisement au centre de Bamako. Malheureusement, la photo n'illustre pas très bien tout le chaos des motos qui se faufilent et qui partent dans tous les sens, les Sotramas qui s'arrêtent en plein milieu pour faire monter ou descendre des passagers...

La cacophonie du trafic routier de Bamako qui se présente chaque jour dès 6h du matin est assez impressionnante. On y voit les voitures plus vieilles les unes que les autres (ayant pour la plupart dépassés la trentaine d’années et parfois peut être même le million de kilomètres), motos, cyclistes, charrettes, bétail et les bus qui se partagent les mêmes routes saturées, dont seules les plus grandes sont asphaltées. Dans cet ensemble chaotique, les petits bus verts, appelés ici SOTRAMA constituent le seul véritable moyen de transport public de la ville. Ils portent d’ailleurs bien leur nom : ces minibus de marque Toyota, prévus à l’origine pour 9 passagers, accueillent souvent une vingtaine de personnes grâce à l’ingéniosité des mécaniciens et autres conducteurs de Bamako. Au lieu des sièges à l’arrière, la cabine a été entièrement vidée pour n’accueillir qu’un petit banc en bois qui fait le tour de l’habitacle, permettant d’exploiter au maximum l’espace disponible. A 125 francs CFA la course (environ 20 cents), les Sotrama valent bien le détour pour se déplacer en ville à la malienne, même si leur mode de fonctionnement et de passage conservent une part de mystère !

Les Sotramas en action... sur celui de gauche on voit bien le décor minimaliste de la cabine et l'ouverture qui remplace la portière pour faire entrer et sortir les passagers plus facilement.

Malheureusement, la capacité d’accueil de ces bus reste leur seul atout écologique. A l’image des nombreux taxis, ils sont responsables d’une bonne partie de la pollution et du smog enveloppant la ville. L’image d’un quintet de Sotramas démarrant au feu d’un croisement reste assez spectaculaire, mais un jour il faudra payer la facture écologique. De manière générale, les petites voitures ne sont pas très prisées par les conducteurs ici, du moins s’ils ont la liberté de choisir. La majorité des voitures neuves circulant dans la ville est composée de gros 4x4 japonais, et puis quelques berlines de bon standing. La Fiat Panda n’a pas encore trouvé ses amateurs ici, et vu l’état des routes, on comprend vite pourquoi.

Une rue commercante en banco au centre de Bamako qui mène au marché des legumes

Mais le problème de la pollution ne se limite que rarement au trafic routier. La gestion des eaux et des déchets -bien que meilleure que dans le reste du pays- reste un grand défi pour la ville. Les canaux qui traversent la ville emmènent tout sur leur passage pendant la saison des pluies, et on s’imagine facilement qu’une bonne partie des déchets et eaux usées débouche sur le Niger, fleuve autrement très impressionnant qui partage la ville en deux avec son kilomètre de largeur. Contrairement à beaucoup d’autres régions du Mali, l’eau de Bamako est potable, mais elle conserve une odeur et un goût de chlore assez marqués, avec une qualité qui varie en fonction des saisons (sa qualité est moins sûre pendant la saison des pluies).

Au niveau individuel, le problème se situe assez clairement au niveau de l’absence totale de sensibilisation aux questions environnementales et écologiques. Ici les gens ne jettent pas, ils laissent littéralement tomber les déchets. Que ce soit l’emballage en plastique d’un paquet de cigarettes, les restes d’une mangue, une bouteille en plastique ou les poils de la peau de chèvre rasée pour la fabrication de djembés (les exemples ne manquent pas…), tout reste sur place. C’est comme si ces emballages n’existeraient plus à partir du moment où elles ont perdu leur utilité. D’un geste absent, on les dirige vers le sol… il m’est même arrivé de ramasser des bouteilles pour des amis en pensant qu’ils les avaient perdus, alors que c’était en fait tout l’art du laisser tomber discrètement.

J’ai eu l'occasion de rencontrer il y a peu un militant du parti écologiste du Mali, Amadou Traoré (si j’ai bien compris il y a plusieurs partis « verts », ce qui affaiblit encore leur capacité d’influence), qui me parlait de ces mêmes problèmes, en évoquant une fois de plus le manque cruel de moyens. Durant l’année dernière, le principal défi pour ce petit parti était d’assurer sa survie (financière et légale) après avoir été expulsé de ses anciens locaux. Pas facile à côté de ça de mener campagne et de sensibiliser la population aux problèmes de l’environnement, d’autant plus qu’ils n’ont aucun poids dans les hautes sphères politiques.

La circulation sur le pont des Martyrs. Au loin on voit bien le smog qui enveloppe toute la ville.

Dans l’ensemble ces constats gardent un goût amer. Mais les choses ne peuvent que s’améliorer ou presque. Et il est important de noter que tout ne dépend pas seulement de l’argent, mais aussi d’un apprentissage des réflexes essentiels en matière d’environnement au niveau individuel , moins onéreux, et peut être même plus important.

jeudi 14 août 2008

Premières Impressions de Bamako

Après avoir passé le premier choc culturel dans la nuit de mon arrivée, les choses n’ont fait que s’améliorer, et c’est étonnant de voir à quel point on peut se sentir bien (et presque chez soi) ici au bout de quelques jours. Et l’hospitalité et la gentillesse des maliens y sont pour beaucoup.

Après quelques heures de sommeil, la première journée au stage à la BMS m’a fait découvrir une face différente de cette ville immense. Avec plus de 260 km² de surface, la ville est plus grande que la plupart des villes européennes avec des populations beaucoup plus nombreuses. Et pourtant, on a jamais l’impression d’être dans une métropole, tellement l’atmosphère urbaine est absente. Ici, l’asphalte (s’il y en a) a du mal à se maintenir face à la terre et la nature, qui enveloppent la ville dans un mélange de couleurs ocre et vert assez impressionnant à voir, surtout après les pluies. Ces dernières m’ont plutôt épargné jusqu’à maintenant, mis à part hier, où des pluies torrentielles, renforcées par le vent se sont abattues sur la ville dans l’après-midi. Seuls quelques immeubles isolés dépassent les trois étages.


Le siège de la BCEAO et le Libyaa Hotel vus du pont des martyrs sur le Niger

En dehors du siège de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (assez impressionnant, construit dans le style soudanais) et l’Hôtel de l’Amitié, qui fait partie des nombreuses contributions architecturales plus ou moins réussies des libyens au développement de la ville, peu de bâtiments peuvent servir de point d’orientation. Tous ces aspects contribuent à ce que la ville donne l’impression d’un immense village, dynamique et vivant, mais toujours à taille humaine. L’importance de l’espace et de l’ouverture est essentiel dans la culturel malienne, puisque pratiquement toutes les activités se déroulent dehors, que ce soit le commerce, l’artisanat, l’élevage ou les retrouvailles autour du thé africain, cérémonie aussi fascinante que sympathique au cœur de la vie quotidienne, à laquelle personne n’échappe, et ou les différences culturelles et économiques sont vite oubliées.

L’arrivée à la Banque Malienne de Solidarité m’a renvoyé dans un monde plus « occidentalisé », mais toujours aussi marqué par la problématique du développement (urbain). Le bâtiment du siège, dans le nouveau quartier des affaires a fière allure, et se démarque bien de son environnement. Ce quartier, appelé « ACI 2000 » reste pour le moment une surface plus ou moins délaissée au milieu de la ville, où trônent certains nouveaux hôtels, sièges d’entreprises et de banques et autres institutions, comme l’ambassade américaine. Les contrastes y sont assez frappants, entre les bâtiments récents réalisés dans un style moderne, et l’arrière plan qui fait émerger une multitude de bloc grisâtres, des chantiers souvent assez importants, certains toujours en construction, mais aussi bien souvent délaissés par manque d’argent. Au milieu de tout ça, la nature reste évidemment bien présente, et c’est peut être la plus grande différence par rapport aux villes occidentales. La nature s’empare de la moindre surface non occupée par la route ou les immeubles, et il n’est pas rare d’y voir, pâturer du bétail au milieu des constructions en devenir, ou un petit jardin aménagé entre deux routes et un chantier.

Le siège de la Banque Malienne de Solidarité dans le nouveau quartier des affaires ACI 2000

vendredi 8 août 2008

L'aventure commence...

Après trois heures de sommeil dans la nuit de mercredi, c'était l'heure du départ, dans un premier temps pour Toulouse à 8h pour prendre le premier vol à destination de Tunis. Dans l'avion, le premier changement culturel ne se fait pas attendre, avec la présentation de l'équipage de l'avion en arabe. C'est tout banal quand on y pense, mais en tant que bon petit européen que je suis, à toujours prendre les mêmes compagnies, on oublie (trop souvent) qu'il y a autre chose que l'anglais le français...
A l'arrivée à Tunis, les premiers contacts sont déja établis, comme celui avec Karim, français d'origine tunisienne revenu pour les vacances, qui achète une bouteille d'Absolut dans l'avion, pour là cacher dans mon sac jusqu'à la sortie, par peur d'être vu avec, mais on en a bien rigolé tous les deux (et puis il y en a d'autres qui s'en foutent royalement de sortir avec la bouteille à la main, au final la première solution semble bien meilleure...). A l'aéroport, une première petite décéption est apparue quand je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de consignes bagages, ni d'autres moyens pour les laisser à l'aéroport pour aller visiter la ville. Pendant un moment j'ai considéré mon sort style "The Terminal", en version 7h. Mais quelques réflexions et un sandwich plus tard, je me suis lancé dans la course avec mes 30kg de bagages, c'était toujours mieux que de rester toutes ces heures à attendre à l'aéroport.
En sortant de l'aéroport, Tunis me salue avec un soleil rayonnant de quelques 38 dégrés à l'ombre. A peine sorti de l'aéroport, j'ai fait la connaissance d'Amel, jeune française d'origine tunisienne qui est retourné dans le pays à cause d'un raz-le-bol face au discours et à la politique d'immigration de notre cher petit Nicolas. Une journée à Tunis suffit pour se rendre compte qu'il n'arrête pas de se faire des amis en dehors de la France... Afin pas vraiment, mais en tout cas beaucoup d'entre-eux adorent sa femme! Comme quoi le gag marketing marche bien, voire mieux, à l'étranger. Après une discussion bien sympa, elle est partie au boulot et je me suis lancé dans ma découverte de la ville. Mais ayant sous-estimé le soleil et le poids de mes sacs, j'ai à peine fait un kilomètre avant de m'arrêter à l'ombre d'un café. J'y ai fait la connaissance de Medhi, jeune tunisien étudiant en politique qui adore parler de tout et rien, et qui "m'invitera" à boire une ou plutôt deux Celtia au Café de Paris... Au final je suis revenu à l'aéroport 2h et demi plus tard, sans avoir vu grand chose de la ville. C'est dommage, mais c'était difficile de faire autrement, et puis il y a toujours le retour.
L'attente pour le vol direction Bamako était plutôt marrante , avec un groupe de jeunes italiens s'occupant de l'animation dans la salle d'attente, et surtout une attente inexpliquée de 2h (au final on partira à 22H), qui nous a permis d'observer toute l'activité du petit aéroport, avec le grand highlight du petit train à bagages, qui perd un de ses box de bagages en faisant du slalom, et qui revient 10 minutes plus tard pour le ramener. Sauf qu'il préfère le pousser plutôt que de le tirer... malheureusement je n'ai pas vu l'état des bagages après. Les 5h de vol pour Bamako m'ont permis de faire connaissance avec Dian, jeune malien qui vient de terminer une année d'études à Tunis, qui veut bientôt partir au Canada. Là aussi, la discussion est riche, et c'est beau de voir des jeunes africains aisés qui restent très modestes et accueillants et qui veulent toujours retourner dans leur pays pour construire quelque chose après les études.

Arrivé à Bamako, le changement est flagrant. Il fait pas tellement chaud, mais l'humidité fait tout pour te mettre à terre. Et puis l'odeur est assez bizarre, mélange de poussière, de pollution et autres déchets (mais on s'y habitue très rapidement), tout comme le sol rougâtre.
Grâce à Sidibé, jeune employé de la Banque Malienne de Solidarité qui s'est chargé de mon accueil, je n'ai eu aucun problème avec les contrôles de sécurité, sans parler de mon carnet de vaccination qu'au final personne n'a voulu voir. La première ballade avec le 4x4 de la BMS et son chauffeur sympathique Sangharé Adama me plonge dans une ambiance très amicale, une première impression de l'hospitalité malienne: atmosphère détendue, sourires, et discussions en français et bambara (même sans comprendre ça fait plaisir à entendre), qui font presque oublier toute la pauvreté apparente qui défile des deux côtés de la route, où marchands et autres passants boivent le thé à l'air libre, ou sous des cabanes en tôle, entouré de chiens et de chats qui trainent autour. Un peu plus tard nous voilà à la Maison des Jeunes, où se trouve ma chambre. L'endroit semble plutôt désillusionant à ce moment de la nuit, il n'y a pas grand monde, et ça n'a pas l'air vraiment beau. Cette impression se poursuit à la vue de ma chambre, "studio" de 6m2 avec deux lits (mais j'y habite seul) et une climatisation qui porte bien son nom (impossible de la laisser allumé sous peine d'être malade le lendemain tellement elle refroidit la pièce, et le bruit de tracteur est cadeau!). Mais le premier choc culturel fera vite place à la curiosité et la découverte de tout ce qui fait le charme de ce grand pays!

mercredi 6 août 2008

Vivre en musique: Herbie Hancock

A l'origine j'avais uniquement prévu ce blog pour relater les expériences de mon voyage en Afrique. Mais quoi de mieux pour introduire ce blog sur un pays aussi musical que le Mali que de commencer par un post sur l'un des plus grand artistes du jazz : Herbie Hancock, musicien génial et parfois méconnu malgré toutes ses innovations et l'influence qu'il a pu avoir sur l'évolution du jazz moderne.

Je dois avouer que j'étais aussi un peu ignorant de son histoire jusqu'à ce que j'assiste à un de ses concerts au festival de jazz à Marciac dans le Gers (et oui!) samedi dernier, où il partage l'affiche avec d'autres grands noms du jazz comme Dee Dee Bridgewater, Bobby McFerrin, Manu Katché, Diana Krall et bien d'autres. Grâce à un cadeau spontané (merci Henry!) j'ai eu l'occasion de découvrir un musicien extraordinaire qui m'a autant impressionné par sa musique que par sa gentillesse et son humour. Au-delà de son talent de musicien, l'artiste est un vrai entertainer, cherchant le contact direct avec le public et qui n'hésite pas à introduire une ou deux pointes bien placées.

Entouré de 6 musiciens, il a présenté un show vivant pendant presque 3 heures, au cours des quelles il a présenté tout son arsenal musical, variant entre morceaux de jazz classique et acoustique, solos de piano, des morceaux de ses derniers albums (ou avaient participés entre autres John Mayer, Santana, Paul Simon, Damian Rice, Sting et Joss Stone) et aussi solos avant-gardistes par ses musiciens pour mettre en lumière tout leur talent (à voir absolument, son guitariste hors pair Lionel Loueke qui a enchanté le public avec son solo expérimental, mélangeant chants et rythmique africaines, guitare classique et un hommage à Edith Piaf avec participation du public, et aussi Dave Holland à la contrebasse tout aussi impressionnant).

Le moment le plus marquant de ce concert à débuté par l'un de ses solos au piano (en combinaison avec le synthétiseur, que le jazzman avant gardiste avait été l'un des premiers à intégrer au jazz), qui a duré... quelques vingt minutes avec des passages plus ou moins longs qui ont provoqué des réactions plutôt bizarres chez le public (une vingtaine de personnes dans la rangée des invités qui se lèvent d'un coup pour une pause boisson, d'autres sur les gradins qui commencent à applaudir au bout de 15 minutes pour provoquer un changement, d'autres qui gueulent tout simplement...) pour aboutir dans un moment de folie quand il a entamé son plus grand tube (que tout le monde connaît, sans toujours savoir que c'est lui): Cantaloupe Island. Coup de génie où on ressent toute l'expérience et le sens du spectacle (avec classe svp) de cet artiste, qui fait monter la pression pendant 20 longues minutes et récompense son public avec un arrangement génial pour préparer son public à l'ultime apogée de la soirée, l'acte final du bis. Là encore, on découvre un musicien qui malgré ses 68 ans et ses milliers de concerts n'a en rien perdu sa joie de vivre (et de jouer)! Les invités des premiers rangs étant enfin sortis de la salle, jeunes et moins jeunes se sont rassemblés devant la scène pour danser avec le jazzman parti en impro avec sa bande. Rien de plus qu'un moment inoubliable et un concert magnifique. Herbie Hancock, ou l'art de vivre en musique et de faire vivre la musique! Si à son âge je pourrais avoir ne serait-ce qu'un brin de la pêche et de la joie de vivre du jazzman je serais déjà plus qu'heureux! Avis aux amateurs!